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histoire
Posted mardi 15 avril 2014 à 20:17
Le 21 février 1944, les Allemands exécutent 23 résistants du groupe FTP mené par le poète franco-arménien Missak Manouchian. Par une affiche placardée dans tout Paris, les nazis tentent vainement d’effrayer la population en mettant en scène une « bande de criminels juifs et communistes » venus d’ailleurs pour semer la terreur.
L’ultime lettre de Manouchian à sa femme — réécrite par Aragon —, éclatante d’un humanisme dénué de rancœur, terrasse la petitesse d’esprit de l'extrême-droite. Le poème de Louis Aragon, publié en 1956 dans « Le Roman inachevé », est intitulé « Strophes pour se souvenir ».
L'Affiche rouge
Vous n’aviez réclamé la gloire ni les larmes Ni l’orgue ni la prière aux agonisants Onze ans déjà que cela passe vite onze ans Vous vous étiez servis simplement de vos armes La mort n’éblouit pas les yeux des partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants L’affiche qui semblait une tache de sang Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants Avaient écrit sous vos photos « Morts pour la France » Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre À la fin février pour vos derniers moments Et c’est alors que l’un de vous dit calmement « Bonheur à tous, bonheur à ceux qui vont survivre Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir, adieu les roses Adieu la vie, adieu la lumière et le vent Marie-toi, sois heureuse et pense à moi souvent Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d’hiver éclaire la colline Que la nature est belle et que le cœur me fend La justice viendra sur nos pas triomphants Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant »
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir Vingt et trois qui criaient « la France » en s’abattant
Louis Aragon écrit ce poème (1955) d'après d'une lettre de Missak Manouchian à sa femme avant son éxécution en février 1944.
L'Affiche rouge est une affiche de propagande allemande placardée à Paris au printemps 1944, pendant l'occupation nazie. Elle fut tirée à 15 000 exemplaires. La campagne de l'affiche fait suite à l'arrestation des 23 membres du groupe Manouchian. Francs-tireurs et partisans - Main d'œuvre immigrée, Le réseau Manouchian était constitué de 23 résistants communistes. 20 sont étrangers, des espagnols rescapés de Franco, enfermés dans les camps français des Pyrénées, des Italiens résistant au fascisme, Arméniens, Juifs surtout échappés à la rafle du Vel'd'Hiv' de 1942. Il était dirigé par un Arménien, Missak Manouchian qui faisait partie des mouvements de résistance communiste et était le responsable des FTP MOI de la région parisienne.
Ils ont été arrêtés par la police de Vichy et livrés à l'occupant. Ils sont tombés en combattant à un moment où les résistant(e)s étaient bien rares. Les 22 hommes seront fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien, tandis qu'Olga Bancic, elle sera guillotinée le 10 mai de la même année à Stuttgart, une loi française interdisant alors de fusiller les femmes.
Après leur exécution, les Résistants de l'Affiche Rouge furent chargés sur un
camion-benne et jetés dans une fosse commune du cimetière d'Ivry...
Ils sont enterrés dans le cimetière d'Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, où une
stèle a été érigée en leur mémoire.
Celestino Alfonso | Espagnol de 27 ans |
Olga Bancic | Roumaine de 32 ans |
Joseph Boczov (Boczor József; Wolff Ferenc) | Hongrois de 38 ans - ingénieur chimiste |
Georges Cloarec | Français de 20 ans |
Rino Della Negra | Italien de 19 ans |
Thomas Elek (Elek Tamás) | Hongrois de 18 ans - étudiant |
Maurice Fingercwejg | Polonais de 19 ans |
Spartaco Fontano | Italien de 22 ans |
Emeric Glasz (Békés (Glass) Imre) | Hongrois de 42 ans - métallurgiste |
Jonas Geduldig | Polonais de 26 ans |
Léon Goldberg | Polonais de 19 ans |
Szlama Grzywacz | Polonais de 34 ans |
Stanislas Kubacki | Polonais de 36 ans |
Arpen Tavitian | Arménien de 44 ans |
Césare Luccarini | Italien de 22 ans |
Missak Manouchian | Arménien de 37 ans |
Marcel Rayman | Polonais de 21 ans |
Roger Rouxel | Français de 18 ans |
Antoine Salvadori | Italien de 43 ans |
Willy Szapiro | Polonais de 29 ans |
Amédéo Usséglio | Italien de 32 ans |
Wolf Wajsbrot | Polonais de 18 ans |
Robert Witchitz | Français de 19 ans |
L'occupant avait essayé de dresser la population contre eux avec la célèbre « Affiche Rouge » qui stigmatisait l'origine étrangère de la plupart. À l'heure où en France, les étranger(e)s sont à nouveau suspect(e)s, cette chanson vient nous rappeler le rôle majeur que les étranger(e)s ont joué dans la Résistance Française.
Certes, la situation faite aujourd'hui aux étranger(e)s en France n'est pas celle des années noires de l'occupation. Mais il y a des points communs : faire des étranger(e)s des boucs émissaires, les mettre dans l'illégalité et utiliser tous les moyens de l'Etat pour les traquer. Cette chanson a donc tout à fait son sens à l'heure actuelle, elle nous permet de dénoncer la criminalisation des Sans Papiers et la politique gouvernementale à leur égard.
Les morts de l'Affiche Rouge se battaient au nom de principes universels : le refus de la barbarie Nazie, l'émancipation de l'humanité, le refus de tous les racismes et de toutes les discriminations. Aujourd'hui un seul camp prétend parler au nom du génocide et de ses victimes : c'est le camp de ceux qui défendent inconditionnellement la politique criminelle du gouvernement israélien à l'égard du peuple palestinien. C'est le camp de ceux qui essaient de faire passer les Palestiniens pour les successeurs des Nazis.
Les combattant(e)s de la MOI de toutes origines n'avaient rien à voir avec cette histoire.
Cette chanson nous permet cependant d'apporter notre soutien au peuple Palestinien et de soutenir ceux qui veulent la fin de l'occupation de la Palestine et une paix entre Palestiniens et Israéliens fondée sur l'égalité des droits et la justice.