Paroles & musique la Compagnie Jolie-Môme (2003)
[FA]

Manifestation pacifique

C’était l’époque des yéyés Et à Paris comme à Alger Le week-end c’est sur la piste Que la jeunesse danse le twist La mode est à la taille fine Les blousons noirs portent des jeans Robes à pois bleus et bigoudis Au hit parade « Stand by me »

Un voyage autour de la terre Gagarine s’envoie en l’air Piaf chante son légionnaire Le savait-elle tortionnaire ? Au cinéma des grands boulevards « Psychose » et « La tulipe noire » Sont à l’affiche ce mardi Aux côtés de « West side story »

Ils se dirigent vers la ville Ils sont venus des bidonvilles St-Denis, Gennevilliers, Nanterre Enfants, vieillards, familles entières Dans leur costume du dimanche Souliers de cuir, chemises blanches C’était au temps des colonies Et la nuit tombait sur Paris

C’était l’époque des yéyés Et à Paris comme à Alger Le week-end c’est sur la piste Que la jeunesse danse le twist En 4L on part en vacances Anquetil gagne le tour de France Les rockers draguent les nénettes Pento, bananes et rouflaquettes

Du 12 au 13 dans la nuit À Berlin le mur est construit Et cette année là dans Paris À l’Olympia chante Johnny Catherine Deneuve devient blonde Jeanne, Jules et Jim se jouent du monde De Gaulle dirige la nation Léo Ferré chante Aragon

Ils se dirigent vers la ville Ils sont venus des bidonvilles St-Denis, Gennevilliers, Nanterre Enfants, vieillards, familles entières Et par centaines et par milliers Ils sont venus manifester C’est au couvre feu de Papon Que sans violence ils disent non

C’était l’époque des yéyés La capitale est quadrillée Car l’algérien c’est l’ennemi Traqué dans les rues de Paris Collés au mur dans le métro Mains sur la tête ou dans le dos Ils disparaissent dans des cars Les gens détournent le regard

Et la police se déchaîne Des corps sont jetés à la Seine Dans la cour de la préfecture Résonnent les cris les injures À coups de crosse dans les dents Au milieu des gémissements Femmes traînées par les cheveux Éclats de rire et coups de feu

Ils se dirigeaient vers la ville Ils arrivaient des bidonvilles Les morts se comptaient par centaines Les eaux muettes de la Seine Les ont emportés dans la nuit Vers le silence, vers l’oubli Longtemps après qui se souvient 17 octobre 61 ?

Longtemps après on se souvient 17 octobre 61