Paroles James Oppenheim (1911), musique Caroline Kohlsaat (1912)
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Slogan brandi il y a un siècle aux États-Unis par des ouvrières du textile lors des grèves de Lawrence. Ces femmes réclament l'estime et l'accès à la culture autant que des salaires décents.

Bread and Roses

As we come marching, marching in the beauty of the day, A million darkened kitchens, a thousand mill lofts grey, Are touched with all the radiance that a sudden sun discloses, For the people hear us singing: “Bread and roses! Bread and roses!”

As we come marching, marching, we battle too for men, Our brothers in the struggle, and together we will win. Our lives shall not be sweated from birth until life closes; Hearts starve as well as bodies; give us bread, but give us roses!

As we come marching, marching, unnumbered women dead Go crying through our singing their ancient cry for bread. Small art and love and beauty their drudging spirits knew. Yes it is bread that we fight for – but we fight for roses, too!

As we come marching, marching, we bring the greater days. For the rising of the women raises up the human race. No more the drudge and idler – millions toil where one reposes, But a sharing of life’s glories: “Bread and roses! Bread and roses!”

Traduction

Du Pain et des Roses

Alors que nous marchons, marchons dans la beauté du jour, Un million de cuisines noircies et mille usines moroses, Sont illuminées par les rayons qu’un soleil soudain dévoile, Car les gens nous entendent chanter : « Du pain et des roses ! Du pain et des roses ! »

Alors que nous marchons, marchons, nous nous battons aussi pour les hommes, Nos frères en lutte, et ensemble nous vaincrons. Nos vies ne doivent pas être exploitées de la naissance jusqu’à ce que la vie s’arrête. Les cœurs crient famine comme les corps ; donnez-nous du pain, mais donnez-nous aussi des roses.

Alors que nous marchons, marchons, les fantômes de femmes innombrables Pleurent à travers notre chant pour réclamer du pain. Leurs besogneux esprits connurent jeu d’art, d’amour et de beauté Oui, nous nous battons pour du pain – mais nous nous battons aussi pour les roses !

Alors que nous marchons, marchons, nous apportons les jours meilleurs. Parce que l’émancipation des femmes est aussi celle de la race humaine. Assez des bêtes de somme et de l’oisif – des millions peinent où un seul se prélasse, Mais un partage des gloires de la vie : du pain et des roses ! Du pain et des roses !

Histoire

Le Jour de l'an 1912 a annoncé une des luttes les plus acharnées dans l'histoire de la classe ouvrière aux États-Unis. En cette froide journée du 1er janvier, les travailleurs du textile de Lawrence au Massachusetts ont déclenché une grève qui durerait neuf semaines et qui ébranlerait l'État jusqu'à ses fondations en plus d'avoir des répercussions sur le plan national.

Au cours de sa dernière séance, la législature de l'État du Massachusetts - après avoir été soumise à une énorme pression exercée par les travailleurs - avait enfin promulgué une loi pour limiter les heures de travail des enfants de moins de 18 ans à 54 heures par semaine. Cela va sans dire que les grandes sociétés textiles s'étaient farouchement opposées à la loi.

En représailles, les employeurs avaient décidé de couper à 54 heures la semaine de travail de tous leurs employés, tout en réduisant leur rémunération proportionnellement, bien entendu. Les 35 000 travailleurs des usines de Lawrence ont réagi à cette mesure par un débrayage général.

La grève elle-même était unique à bien des égards, mais principalement en raison du fait que les travailleurs s'étaient rendu compte qu'ils devaient faire fi des syndicats de métier existants. Les syndicats de métier n'étaient formés que de travailleurs anglophones spécialisés; c'est donc dire qu'ils excluaient la majorité des travailleurs. Sous la direction d'International Workers of the World (IWW), ils ont plutôt asséné un coup au nom du syndicalisme industriel en convaincant tous les travailleurs du textile à participer à la grève. Les travailleurs ont présenté les demandes suivantes à leurs patrons :

  • une augmentation salariale de 15 %;
  • l'abolition du « plan de gratification » (comparable aux « systèmes de primes » modernes);
  • le traitement double des heures supplémentaires;
  • aucune discrimination contre les grévistes;
  • la fin de la cadence accélérée;
  • l'abolition de toute discrimination contre les travailleurs nés à l'étranger.

La légende veut que le poème ait été inspirée par une des manifestations tenues pendant la grève. Au cours d'un défilé dans Lawrence, un groupe de travailleuses avaient porté des bannières proclamant « Du pain et des roses ». James Oppenheim, dont plusieurs des poèmes reflètent un contenu et une sympathie pour la classe ouvrière a en réalité écrit ce poème fin 1911, plus d'un mois avant le début du mouvement social de Lawrence.

Cette présentation poétique des demandes de ces travailleuses qui exigeaient un salaire égal pour un travail égal en plus d'une considération spéciale à l'égard des femmes s'était fait entendre partout dans le pays.

Cette chanson s'insère aujourd'hui dans les chants traditionnels de la classe ouvrière américaine. La chanson représente bien plus qu'un morceau intéressant de littérature historique. C'est une chanson moderne qui prône l'émancipation totale de la femme, qui continue d'exiger du pain et des roses.